Louis-Alexandre Expilly (1743-1794)

Recteur de Saint-Martin et révolutionnaire

EXPILLY

Louis-Alexandre Expilly est né à Brest le 24 février 1743 dans une famille originaire du Dauphiné. Il est le fils de Charles-Boniface, un capitaine d’Armes d'une compagnie franche de la marine et de Marie-Gabrielle La Gal. Sa sœur est l'épouse de Michel Behic (1736-1827), maire de Morlaix, cofondateur du Club des jacobins de Morlaix, et l'une de ses petites-nièces, Edmée Behic, se mariera en 1795 avec Joseph Moreau, révolutionnaire, frère du général Jean Victor Marie Moreau. Après des études secondaires à Quimper, Louis-Alexandre effectue à Paris des études secondaires et devient à la Sorbonne licencié en théologie. En 1767, il est ordonné prêtre à Paris et il est nommé deux ans plus tard recteur à la cure de Saint-Martin-des-Champs. Il a alors vingt-six ans.

 

Recteur de Saint-Martin

La paroisse de Saint-Martin englobe alors Sainte-Sève, Saint-Martin Ville et Saint-Martin des Champs. Dans une réponse à un questionnaire de Mgr de la Marche, évêque du Léon, qui mène une enquête en 1774, à l’initiative du ministre des finances Turgot, sur la mendicité dans son diocèse, il expose les difficultés de sa paroisse. A cette époque, Saint-Martin compte environ 4.000 paroissiens, dont 1.500 habitent « les Champs ». Expilly écrit : « Cette partie n’a presque pont de pauvres parce qu’aussitôt qu’ils manquent ou croient manquer du nécessaire, ils accourent se fixer en ville ». La partie « ville » comprend environ 2.500 personnes « dont il y a plus d’un quart pauvres et dans le besoin ». Les salaires sont médiocres, principalement à la manufacture des tabacs que « l’on peut regarder comme étant la pépinière de pauvres à Morlaix »

Bâtisseur de l’actuelle église Saint-Martin

L’église de Saint-Martin étant en très mauvais état, frappée par la foudre en 1751, puis en 1771, Expilly obtient en 1773 la décision de la faire démolir et reconstruire. Mécontent de l’architecte Joachim Besnard, il demande son renvoi et celui de l’entrepreneur G. Rannou auprès de l’intendant de Bretagne, Louis Gaspard Caze. Une nouvelle entreprise est choisie, celle de Jean-Baptiste Souvestre, père d’Emile Souvestre, l’historien morlaisien, dirigée par un jeune architecte Jacques François Anray, ingénieur des Ponts et Chaussées. Après quatorze années de travaux, l’église est bénite en 1788. Même si le porche et le clocher ne seront terminés qu’au XIXe siècle, on y admira le maître autel en marbre rouge et les deux anges en marbre blanc de Carrare destinés à la cathédrale de Séville, transportés par un navire espagnol (ou grec), capturé par un corsaire saint-martinois, qui en aurait fait don à sa paroisse.

Adepte et diffuseur des idées nouvelles

En 1788 trois loges maçonniques coexistent à Morlaix : « La Noble Amitié »fondée en 1746 de caractère aristocratique, « La Fidèle Union » et « L’Ecole des Mœurs », fondée en 1777, plus roturières. La « Parfaite Égalité » verra le jour au début de l'année 1789. Les esprits éclairés s’entretiennent aussi avec les religieux dans de nombreux couvents, en particulier celui des Jacobins. On vient là discuter avec les moines et parfois les opinions s’affrontent. C’est ainsi qu’apparait la nécessité d’un endroit neutre où tous les points de vue pourraient être évoqués et nait l’idée de créer à Morlaix une Chambre de Littérature et de Politique, institut existant déjà dans d’autres villes bretonnes. L’autorisation royale est obtenue le 31 décembre 1778 et la Chambre est inaugurée le 10 janvier 1779. L’un des membres fondateurs et commissaires élus est l’abbé Expilly, recteur de Saint-Martin.

Député aux Etats Généraux, puis à l’Assemblée Constituante

En 1789, Louis XVI, pressé par la crise des finances du royaume, convoque les Etats Généraux. Expilly prépare avec ses confrères du clergé la rédaction de leurs doléances. Il est convaincu que l’Eglise a besoin de réformes et qu’il faut réduire les inégalités entre le haut et le bas clergé. Après avoir refusé dans un premier temps d’envoyer des délégués, l’évêque du Léon, Mgr Jean-François de La Marche réunit le bas clergé pour élire ses deux délégués, Expilly et Dom Verguet, prieur de l’abbaye royale du Relecq, qui arrivent à Versailles le 5 août. A cette date, celle-ci a déjà aboli la monarchie absolue (juin 1789) et les droits seigneuriaux (4 août 1789) au nombre desquels figure la dîme due au clergé. Le 2 novembre, l’Assemblée vote la mise à disposition de la Nation des biens de l’Eglise, à l'initiative de Talleyrand, évêque d’Autun.

Président du Comité ecclésiastique

A l'Assemblée constituante, il est membre, puis préside à partir du 18 juin 1790, le Comité ecclésiastique, commission de 15 membres crée le 20 août 1789 afin d’étudier les réformes à accomplir dans l’Eglise, et à laquelle participe aussi Jean-Denis Lanjuinais, de l’Université de Rennes. Le premier acte du Comité est de supprimer le 13 février 1790 les ordres religieux. Puis le 12 septembre 1790, l’Assemblée vote la Constitution civile du clergé élaborée par le Comité. Elle ramène le nombre de diocèses de 133 à 83 (un par département), mais surtout prévoit que les évêques seront nommés par les électeurs chargés d'élire les députés et les administrateurs du département, de même que les curés seront élus par les électeurs appelés à nommer les fonctionnaires du district. Les ecclésiastiques deviennent des fonctionnaires de l’Etat, rémunérés par celui-ci. En outre, l’Assemblée constituante adopte le 27 novembre 1790 un décret obligeant tous les fonctionnaires, donc aussi les religieux, à prêter serment de fidélité à la Constitution. Cette obligation entraine la rupture d’une grande partie du clergé avec la Révolution. La plupart des membres du clergé refusèrent de se soumettre à la loi.

Évêque de Quimper et premier évêque constitutionnel de France

Le 30 septembre 1790, l'évêque de Cornouaille, Mgr Conen de Saint-Luc, décède. Suivant la nouvelle procédure, Expilly est élu le 02 novembre à Quimper et devient le premier évêque constitutionnel de France. Aucun autre évêque ne voulant le consacrer, il est sacré évêque à Paris par Talleyrand, évêque d'Autun.

Administrateur du Finistère

En novembre 1791, Expilly est élu pour faire partie du Directoire du département (36 membres). Les administrateurs du Finistère sont alors inquiets de l’agitation causés par les prêtres réfractaires, largement majoritaires, et, après avoir hésité, décident le 01 juillet 1792 de les arrêter et de les bannir hors des frontières. Expilly tente d’atténuer cette mesure en proposant d’en exclure les prêtres qui collaboreraient sans prêter serment, mais cela lui est refusé. Les réfractaires sont emprisonnés au Château de Brest (87) et au château du Taureau (une quinzaine), 72 prêtres seront envoyés en Galice et 29 à Brême. Enfin, les « lois de sang » de mars 1793 portent au paroxysme la guerre livrée aux insoumis : la Convention nationale décide que les prêtres réfractaires seront jugés et punis de mort. Dans le Finistère, 21 prêtres seront exécutés et ceux qui les cachent condamnés à la déportation ou à la mort. Expilly est dépassé par une politique imposée par le gouvernement central et qu’il ne peut plus modérer.

Victime de son engagement

Lorsque les Girondins furent expulsés de la Convention le 2 juin 1793, à l'instigation des Montagnards, les représentants des cinq départements bretons réunis à Rennes à l’initiative du Finistère décidèrent de fédérer autour d’eux treize autres départements de l’Ouest, de lever des troupes et de marcher sur Paris. Mais ils furent battus le 13 juillet 1793 à Pacy-sur-Eure par les troupes de la Convention. Les administrateurs du Finistère furent immédiatement mis en accusation et trente d’entre eux arrêtés. Le 3 prairial an II (22 mai 1794), le tribunal révolutionnaire de Brest, à l’issue d’un simulacre de procès animé par l’impitoyable accusateur public Donzé-Verteuil, un ancien jésuite, condamnait à mort vingt-six sur les trente, dont Expilly. Ils furent guillotinés le soir même, entre six et sept heures, place du « Triomphe du Peuple » (actuelle place du Château). Expilly était le dernier, après avoir donné l’absolution aux autres. Expilly a encore de nombreux détracteurs, lui reprochant son rôle dans la Constitution Civile du Clergé, et dans la répression des prêtres réfractaires. Pourtant on ne peut nier ses idéaux de démocratie et de justice sociale. Expilly fut un des grands acteurs de la Révolution, qui finit par le broyer, comme tant d’autres. Pourtant il n’a aucune rue ou place à son nom, ni à Morlaix, ni à Saint-Martin-des-Champs.

Source : Un Morlaisien dans la Révolution – L.A. EXPILLY – Recteur de Saint-Martin - par Jeanne L’HERRON – Editions du Dossen

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